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La supplication

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Bonjour les amis ! C’est de nouveau ce coquin de Davide qui vient vous parler de ses lectures, de ces livres dont on préférerait ne pas savoir qu’ils existent ! Et une fois n’est vraiment pas coutume, laissez-moi vous dire que celui-ci, et bien je serais bien incapable de vous en parler comme à l’accoutumée !
Quel dilemme ! Comment faire !?
Diantre, soyons fous et permettez-moi de vous en citer quelques passages, et laisser la parole à ces sacripants de slaves, ces blagueurs de Biélorusses ! :

« Quelqu’un m’exhorte :

-Vous ne devez pas oublier que ce n’est plus votre mari, l’homme aimé, qui se trouve devant vous, mais un objet radioactif avec un fort cœfficient de contamination. Vous êtes suicidaire. Prenez-vous en main ! »

« - Une Ukrainienne vend au marché de grandes pommes rouges. Elle crie pour attirer les clients : « Achetez mes pommes ! De bonnes pommes de Tchernobyl ! » Quelqu’un lui donne un conseil : « Ne dis pas que ces pommes viennent de Tchernobyl. Personne ne va les acheter. – Ne crois pas cela ! On les achète bien ! Certains en ont besoin pour la belle-mère, d’autres pour un supérieur ! »

« Dans son grand uniforme, on l’a glissé dans un sac en plastique que l’on a noué… Et ce sac, on l’a placé dans un cercueil en bois…Et ce cercueil, on l’a couvert d’un autre sac en plastique transparent, mais épais comme une toile cirée… Et l’on a mis tout cela dans un cercueil en zinc… Seule la casquette est restée dehors… »

« -On demande à radio Erevan : « Est-ce qu’on peut manger des pommes de Tchernobyl ? » Réponse : « Bien sûr que l’on peut, mais il faut enterrer profondément les trognons. »

« Vous voulez que je vous raconte une  blague ? Un mari rentre à la maison après avoir travaillé près du réacteur. Sa femme demande au médecin :

-Que dois-je faire avec mon mari ?

-Laver, embrasser, désactiver.

La chienne! Je lui faisais peur… Elle m’a volé mon gosse »

« La seule chose que je sache avec certitude, c’est que ma vie ne sera pas longue, avec ce que j’ai. Si seulement je pouvais sentir l’approche du moment, je me tirerais une balle dans la tête… J’ai fait l’Afghanistan, également. C’était plus simple d’y recevoir une balle… »

« Mais le système n’a pas fonctionné. On l’a soigné à Moscou. Les médecins disaient : « Pour le sauver, il lui faudrait un nouveau corps. » Il ne lui restait qu’un petit morceau de peau non irradié, dans le dos. (…) Son père pleurait, mais les gens disaient : « C’est ton salaud de fils qui a tout fait sauter ! »

« Ma fillette…Elle n’est pas comme tout le monde. Quand elle aura grandi, elle me demandera : « Pourquoi ne suis-je pas comme les autres ?
A la naissance, ce n’était pas un bébé, mais un sac fermé de tous les côtés, sans aucune fente. Les yeux seuls étaient ouverts. »

« Il y avaient nettement moins de chats que de chiens. Ont-ils suivi les gens ? Se sont-ils mieux cachés ? Ce petit caniche était un chien domestique, gâté…

-Il vaut mieux tuer de loin, pour ne pas supporter leur regard.

-Il faut apprendre à viser juste, pour ne pas être obligé de les achever. »

« Un homme est entré dans notre compartiment : « D’où venez-vous ? » Nous lui répondons : « De Tchernobyl. » Il s’en est allé, l’air gêné, chercher une place ailleurs. On ne permettait pas aux enfants de s’approcher de nous, en jouant dans le couloir. A Minsk, nous avons été hébergés par une amie de ma mère. J’ai encore honte que nous ayons fait irruption chez elle dans nos vêtements et nos chaussures « sales ».Mas nous avons été bien accueillis. »

« Mais les mots de sa mère résonnent toujours à mes oreilles : « Pour certains, c’est une péché d’enfanter. »

« (…) Un chemin de terre que nous avions emprunté la veille, soulevant des tourbillons de poussière, était en travaux le lendemain : on le couvrait d’une triple couche de bitume ! Tout était clair : voilà donc le chemin de la haute direction ! »

« Même le jour de la fin du monde, l’homme restera tel qu’il est maintenant. Il ne changera pas. »

«  En voilà une : on envoie un robot américain sur le toit. Il fonctionne cinq minutes. On envoie un robot japonais. Il fonctionne cinq minutes. On envoie un robot russe. Il fonctionne pendant deux heures. Il avait reçu un ordre par radio : « Soldat Ivanov, dans deux heures, vous pourrez descendre pour fumer une cigarette ! » Ha ! Ha ! »

« Je suis un homme de mon époque, pas un criminel… »

« -Qui vous a permis d’accoucher ici ? Cinquante-neuf curies…

-   Le radiologue est venu et m’a seulement conseillé de ne pas faire sécher les langes dehors. »

« Nous vivons dans un pays de pouvoir et non un pays d’êtres humains. L’Etat bénéficie d’une priorité absolue. Et la valeur de la vie humaine est réduite à zéro. »

« Il pensent que je ne devine pas… que je vais bientôt mourir… Ils ne savent pas que, la nuit, j’apprends à voler… »

« -Où est papa Micha ? Quand est-ce qu’il va venir ? Qui d’autre peut bien me le demander ? Il l’attend…Alors nous l’attendrons ensemble. Je réciterai en chuchotant ma supplication pour Tchernobyl et lui, il regardera le monde avec des yeux d’enfant… »

Bonjour, merci pour eux et bonne lecture.

ALEKSIEVITCH, Svetlana. La supplication : Tchernobyl, chroniques du monde après l’apocalypse. Paris, Lattès, 1998. 267 p.

Disponibilité
p.s.: les lecteurs interessés au sujet feraient bien de se dépecher d’aller voir le spectacle "Irina, toujours rayonnante" au théâtre Alchimic à Genève, jusqu’au 21 novembre, car c’est de la bombe!

p.p.s.: et pour le 25ème de Tchernobyl, une petite gâterie, et une pensée pour le petit nuage clandestin:



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